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Sanction des accords de non-débauchage : la Commission européenne et l’Autorité de la concurrence prennent position

La Commission européenne (ci-après la « Commission ») et l’Autorité de la concurrence française (ci-après l’« Autorité ») ont adopté chacune une décision, pour la première le 2 juin 2025 et pour la seconde le 11 juin suivant, portant sur le non-débauchage et pouvant être consultées à l’aide des liens suivants :

 

La Commission et l’Autorité ont considéré qu’enfreignaient les articles 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le « TFUE ») et L. 420-1 du Code de commerce, lesquels prohibent les ententes anticoncurrentielles, des accords formels ou informels entre entreprises concurrentes par lesquelles chacune de ces entreprises s’interdisent de débaucher les employés des autres.

 

L’affaire objet de la décision de la Commission impliquait Delivery Hero et Glovo, deux des plus grandes entreprises de livraison de denrées alimentaires et de repas en ligne en Europe. En juillet 2018, la première avait acquis une participation sans prise de contrôle dans la seconde qu’elle a progressivement augmentée jusqu’à en acquérir le contrôle en juillet 2022. Or le pacte d’actionnaires conclus lors de l’acquisition par Delivery Hero de sa participation sans contrôle dans Glovo stipulait une clause de non-débauchage dont le champ d’application était limité à certains salariés. Cet arrangement a ensuite été étendu, de manière informelle, pour interdire de solliciter activement tous les salariés de l’autres parties.

 

Quant à l’affaire objet de la décision de l’Autorité, elle concerne Randstad Digital, Alten, Expleo et Bertrandt, quatre entreprises actives dans le secteur de l’ingénierie, du conseil en technologie et des services informatiques. Randstad Digital et Alten avaient conclu un premier gentlemen’s agreement entré en vigueur en 2007, sans limitation de durée et par lequel chacune s’interdisait le débauchage et l’embauche à la suite d’une candidature spontanée des busines managers de l’autre et s’engageait à se concerter en cas de projet de mouvement. Expleo et Bertrandt avaient passé un second gentlemen’s agreement entré en vigueur en 2018, sans limitation de durée et interdisant chacune des parties de débaucher et recruter à la suite d’une candidature spontanée le personnel de l’autre.

 

Si la Commission avait averti dans ses lignes directrices horizontales que les accords de non-débauchage entre entreprises concurrentes pouvaient, dans certaines circonstances, enfreindre l’article 101 du TFUE, ces décisions sont à notre connaissance les premières mises en œuvre de cet avertissement.

 

De plus, si l’Autorité laisse entendre, dans sa décision du 11 juin dernier, qu’un accord de non-débauchage ne serait susceptible de restreindre la concurrence que dans des secteurs se caractérisant par l’importance stratégique des ressources humaines, il semble possible de s’appuyer sur la décision du 2 juin précédent de la Commission pour considérer qu’un tel accord pourrait être constitutif d’entente anticoncurrentielle dans tous les secteurs économiques.

 

En outre, dans sa décision, l’Autorité prononce le non-lieu à l’encontre des clauses de non-sollicitation insérées dans les contrats de partenariat conclus entre les entreprises mises en cause au regard des circonstances de l’espèce, notamment leur contexte économique et juridique. Elle n’accord aucun blanc-seing à ce type de clauses dans ce type de contrats puisque dans d’autres circonstances, elles auraient pu être condamnées.

 

Enfin, la Commission a, dans sa décision du 2 juin 2025, également sanctionné Delivery Hero et Glovo pour avoir utilisé la participation sans contrôle de la première dans la seconde afin de réaliser un « échange d’informations commercialement sensibles » en permettant à cette première d’accéder aux données commercialement sensibles (telles que les stratégies commerciales, les prix, les capacités ou les coûts) de cette seconde. Elle ne condamne pas la détention d’une participation dans un concurrent mais l’utilisation qui peut en être faite.

 

Dès lors, il est impératif pour une entreprise détenant une telle participation d’instituer des mesures internes destinés à prévenir un « échange d’informations commercialement sensibles », particulièrement lorsque cette participation donne droit à un siège au conseil d’administration ou de surveillance. Une telle mesure pourrait être la mise en place d’un ring fensing destiné à éviter que l’occupant d’un tel siège ne transmette les données commercialement sensibles du concurrent obtenues au titre de cette fonction aux directions commerciale et stratégique de son entreprise.

 

jeremy Bernard avocat associé CPC

 

Jérémy Bernard

Avocat Associé

Membre de l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie

📧 : jbernard@cpcassocies.com

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